Nous essayons de publier régulièrement vos précieux témoignages sur vos trajets quotidiens à vélo (contactez-nous!). Ci-dessous celui des 4km de Nathan, de la rive gauche à la rive droite de Rouen qui propose quelques pistes d’amélioration.

« Depuis mon retour à Rouen pour les études, j’ai décidé que la voiture, c’était fini. Les transports en commun, pourquoi pas, mais pour un trajet de 4km, je peux quand même utiliser mon vélo.
J’ai passé quelques semaines à remplacer des composants couinant de mon vélo de ville à cadre ouvert Raleigh, à l’équiper (et à m’équiper) de tout ce qu’il fallait pour être vu, entendu, au sec et à l’aise pour mon trajet.
J’ai aussi pris un abonnement pour Cy’clic, les vélos en libre-service de la Ville de Rouen. Heureusement, j’habite et j’étudie près de stations, mais il n’y en a pas beaucoup (et seulement à Rouen intramuros). Mon trajet en Cy’clic est presque identique à celui que je suis sur mon vélo personnel.
Je suis prudent, habillé et éclairé comme un sapin de Noël jour comme nuit, procédurier à outrance, mais rien n’y fait, je n’ai jamais un trajet sans collisions manquées ou sans agacement envers les aménagements.
Au début, je me sentais un peu fou, peut-être trop sensible. Puis, j’ai vu sur YouTube ou Twitter (dédicace à Cinquante Euros et CatGirlOnBike) que non, je ne suis pas fou : les aménagements sont peu nombreux, peu pensés, et beaucoup d’usagers manquent de bienveillance. J’ai trouvé l’association Sabine, et j’ai adhéré. J’ai lu les témoignages d’autres cyclistes, et sans grande prétention, ai pensé que les axes que je parcourais si souvent gagneraient à être éclairés par un témoignage.

Assez de préfaces : le temps est venu de tracer mon trajet, un itinéraire élaboré par tâtonnements.
Je démarre dans une rue à sens unique, avec stationnement des deux côtés (aucun arceau vélo, mais comme les cyclistes de mon quartier je rentre ma bicyclette chez moi). La route étant un peu étroite, et n’ayant aucune envie de goûter aux portières ou à me faire dépasser dangereusement, je prends toute la voie.

La plupart du temps, les automobilistes sont sympas. S’ils ne me pressent pas et que je ne suis pas pressé, je me déporte même pour les laisser passer. S’ils me collent et me klaxonnent, par contre…

Arrivé dans une rue à double-sens, je prends encore toute la voie : il y a toujours des autos en stationnement des deux côtés, des carrefours étroits auxquels je préfèrerais être vu, et de toute façon, on a la place de me dépasser sur la gauche.
J’arrive à un des rares « tourne-à-droite » pour cyclistes de mon quartier. J’en profite, même si les véhicules stationnés à moitié sur le trottoir (voir le commentaire ci-dessous) peuvent être assez gênants pour la manœuvre.

Il y a souvent des véhicules stationnés (« arrêtés pour deux minutes », vous diront-ils) pour aller à la pharmacie, au Bar-Tabac, à l’épicerie autour de ce carrefour. Ça gêne notamment les bus, mais pas que. Ce carrefour est fréquemment chargé de véhicules coincés sur le carrefour, ce qui bloque l’intersection.

Je suis maintenant sur une voie réservé aux bus, taxis, et vélos. Je ne la parcours que pour une centaine de mètres, et les autres usagers de cette voie sont plutôt corrects.

Il y a des pointillés blancs qui avancent la ligne de feu, mais je m’arrête avant – ça ressemble (et ça pourrait être) un sas cyclable, mais – de même que les boxes en pointillés rue Lafayette, Avenue Champlain et sur le Pont Corneille – ce n’en est pas un.

Les véhicules de la voie de circulation générale qui tournent à droite se soucient peu de regarder dans la voie d’à côté. C’est sans compter sur mon klaxon… Ceux qui vont tout droit ne font pas souvent attention au rétrécissement de la voie. Là aussi, il faut se défendre.
A ce carrefour, beaucoup de paramètres à prendre en compte : les métros, les véhicules qui peuvent arriver et tourner dans tous les sens, des véhicules coincés (et frustrés de l’être) au carrefour… Mais à vélo, on peut se faufiler à travers toute cette foule.
Je continue tout droit. La voie rétrécie doit être partagée avec les bus (qui parfois s’arrêtent, attention au dépassement), les taxis, les véhicules, des autos en stationnement.

Ah, l’axe Rue d’Elbeuf-Rue Lafayette. Ma hantise de tous les matins. Des véhicules, piétons, et cyclistes peuvent sortir de partout. Les véhicules motorisés stationnent partout, y compris sur les places de livraison : les véhicules utilitaires s’arrêtent donc sur la voie. Les bus y ont quelques arrêts, il faut composer avec.

Aménagements cyclables malmenés : fréquemment ignorés par les autos, appréciés par les deux-roues motorisés, c’est donc bien souvent que je renonce à essayer d’utiliser ces sas cyclables. A voir d’en face : une bande cyclable sur quelques mètres, un sas, et puis plus rien. Stupéfiant.
Cette intersection est souvent lieu de conflits. Les autos s’engagent après le panneau stop sans s’attendre à voir un cycliste prioritaire sur les voies perpendiculaires. C’est le moment de jouer de mon klaxon.

Je continue, toujours tout droit, avenue Champlain et Pont Corneille. Malgré les conflits qu’on lui connait – et que j’ai parfois eu à signaler – avec des taxis, bus, ou des autos perdues, cet axe est plutôt pratique.

Je ne continue cependant pas sur les grands boulevards des quais. Trop rapides, trop chargés, trop peu adaptés.
Je refuse également d’utiliser la bande cyclable des quais hauts ; passons sur les conflits avec les piétons (qui sont aussi frustrés que nous), cet axe est dangereux : les priorités que possède cette bande cyclable sur les voies qui lui sont perpendiculaires sont rarement respectées. De plus, la voie disparait au niveau du Théâtre des Arts (et est bloquée par des barrières), pour reparaître sur le trottoir d’en face, et disparaître pour de bon au niveau du boulevard des Belges (avec, là aussi, un sas cyclable très malmené), ce qui me force soit à finir le trajet sur un axe très rapide, ou bien – en suivant les pictogrammes et les flèches – à finir mon trajet sur les quais.

Au moins, l’escalier a prévu une rampe.

Donc avant d’arriver au bout du pont, je monte sur le trottoir et descend un petit escalier qui m’amène sur les quais bas. A partir de ce moment, le trajet n’est pas trop mal. C’est même un moment privilégié de mon itinéraire quotidien. Pour moi, cette portion d’itinéraire est utile et agréable. Mais on peut toujours mieux faire.
Trois points noirs, toutefois :

  • Le revêtement est très irrégulier, plein de nids-de-poule, fissures béantes et trous inexplicables (voir ci-dessous).
  • Les quais ne sont pas complètement fermés à la circulation des véhicules. C’est particulièrement gênant quand les navires de croisière se font livrer (voir ci-dessous également).
  • Les quais bas ont très peu de liens avec les quais hauts et tous les grands axes perpendiculaires. A part les escaliers, vous êtes donc coincés sur les quais jusqu’à la prochaine sortie disponible.
Ce n’est plus un nid-de-poule, c’est un élevage !
Les Vikings reviennent à Rouen.
Je n’essaierais pas de passer à gauche, mais il faut rester vigilant en utilisant le passage à droite : peu de visibilité et de luminosité pour moi ou pour ceux qui arrivent en face, un peu de verre cassé…
Sous les ponts, un peu d’éclairage ou des lignes pour évoquer un sens de circulation ne feraient pas de mal.

Continuant sur ces agréables promenades en bord de Seine, je croise ou aperçois le vélo-cargo d’une témoin précédente (@Velocyclette), et je finis mon trajet près du Panorama XXL pour arriver au niveau de la Faculté de Droit de l’Avenue Pasteur. A partir de là, aucun aménagement ou route : c’est trottoir jusqu’à la fac et ses arceaux.
Les quelques arceaux du Panorama me servent bien.

Si les arceaux du Panorama sont utilisés, il y a aussi deux (!) arceaux de l’autre côté.
Et encore plus près de la Fac’, une pléthore d’arceaux très peu utilisés. Pourquoi ? Aucune infrastructure cyclable ne dessert l’endroit.
La bien utile station Cy’clic de l’avenue Pasteur.

Si j’avais à conseiller la collectivité sur ce modeste trajet de quinze minutes, que dirais-je ?

  • que la Métropole en dehors de Rouen serait sûrement très satisfait d’avoir des stations Cy’clic ;
  • que les carrefours Méridienne-Elbeuf et Europe-Elbeuf ont besoin de signalisation claire, de marquages intuitifs, voire d’agents aux heures de pointe pour contrôler la circulation et le stationnement et fluidifier le passage des véhicules sur ces intersections ;
  • que l’axe Elbeuf-Lafayette gagnerait à posséder plus de places de livraisons (protégées, donc pas occupées par des autos particulières), ainsi que des stationnements « arrêts-minutes » pour éviter les voitures-ventouses qui peuplent les places de stationnement régulières de cet axe ;
  • vis-à-vis de l’axe Est-Ouest en bords de Seine :
    • s’il faut qu’elle soit là, pourquoi la voie partagée des quais hauts ne se prolonge-t-elle pas après le boulevard des Belges ? Actuellement, les cyclistes doivent continuer sur un boulevard très rapide, ou accepter d’être « vomis » jusque sur les quais (sans vouloir relancer cet épineux débat, la voie TEOR pourrait aussi tolérer les cyclistes en dehors de l’hypercentre) ;
    • pourquoi ne pas accepter que les quais sont eux aussi attractifs et pratiques pour les cyclistes et :
      – Protéger cet axe en limitant la circulation et le stationnement sauvage ;
      – Rénover la voirie et son éclairage ;
      – En suivant l’exemple des aménagements commencés rive gauche, aménager les quais droits pour qu’ils puissent être accessibles depuis tous les axes qui lui sont perpendiculaires (rampes cyclables ou rampes dans les escaliers, par exemple) ;
  • qu’il faudrait ralentir de manière effective quelques axes (Méridienne, Elbeuf-Lafayette, de tête) ;
  • qu’on pourrait sans grand frein à la circulation donner plus de priorité aux piétons, multiplier les passages piétons et les faire respecter ;
  • qu’il faut toujours prévoir que les arceaux soient desservis par des aménagements vélos (et inversement, que ces derniers soient munis de lieux stationnement fréquents et pratiques) ;
  • que la Ville devrait avoir une politique tolérance-zéro pour les #GCUM (mais il ne faut pas trop en demander non plus).

A vélo sur les quais, on peut se permettre de rêvasser et de refaire Rouen dans sa tête. Finalement, en quinze minutes tout rond, je fais une jolie balade et un petit peu d’exercice. C’est beaucoup plus court qu’en transports en commun, et un peu plus long qu’en voiture (mais difficile de stationner en auto dans ce quartier de la Préfecture). Malgré la pluie, le vent, le froid, les incivilités, je n’ai jamais fait le moindre trajet en vélo pour me dire à la fin « J’aurais préféré le faire en voiture. »
Pourquoi ? Pour ça.

Nathan (@NCasteler sur twitter)

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